Contexte 1914
Depuis plus de dix ans, les principales puissances européennes se sont armées et préparées à la guerre. Si aucun gouvernement ne veut réellement la guerre, si aucun ne l’a préparée en conscience, les principales nations européennes en sont pourtant venues à tout faire pour en provoquer une.
Depuis 1871, aucun conflit important n’a ébranlé l’Europe. Depuis plus de quarante ans, la population européenne croît de 10 % toutes les décennies. En même temps, l’industrie se développe très rapidement pour devenir la base de toute l’économie occidentale. Une prospérité croissante, un niveau de vie en progrès, une législation sociale plus efficace et une représentation parlementaire effective aident à diminuer les tensions sociales internes dans la plupart des pays. Mais ces années de prospérité sont aussi celles d’une militarisation sans précédent ; le nationalisme, souvent sous le masque du patriotisme, devient l’idéologie prédominante de tous les états européens.
Une autre contrainte apportée par cette prospérité est la conscription, rendue possible par le développement de l’administration étatique. Le coût de cette militarisation est énorme car les progrès techniques imposent un rééquipement constant des armées et des marines. Ces dépenses ne peuvent être justifiées par les gouvernements que par comparaison avec les pays voisins ; ceux-ci sont dès lors dépeints comme des ennemis potentiels par la propagande. On rivalise pour définir et populariser une identité nationale en recourant à l’histoire proche ou lointaine pour démasquer les ‘‘ennemis naturels’’.
Ainsi, on rappelle aux Allemands leur mission civilisatrice chez les Slaves et le danger permanent d’un réveil de la Russie. Les Français, ulcérés par leur défaite de 1871, ressassent la perte de l’Alsace-Lorraine. La Russie rumine son rôle ingrat de rempart contre le Turc infidèle et de victime de la rapacité allemande. Les Italiens voient dans l’Austro-Hongrie