corpus entree en scene du heros
J'allais souvent seul me promener sur la grève. Un jour, le hasard me fit aller vers l'endroit où l'on se baignait. C'était une place, non loin des dernières maisons du village, fréquentée plus spécialement pour cet usage ; hommes et femmes nageaient ensemble, on se déshabillait sur le rivage ou dans sa maison et on laissait son manteau sur le sable.
Ce jour-là, une charmante pelisse(1) rouge avec des raies noires était laissée sur le rivage. La marée montait, le rivage était festonné(2) d'écume ; déjà un flot plus fort avait mouillé les franges de soie de ce manteau. Je l'ôtai pour le placer au loin ; l'étoffe en était moelleuse et légère, c'était un manteau de femme.
Apparemment on m'avait vu, car le jour même, au repas de midi, et comme tout le monde mangeait dans une salle commune, à l'auberge où nous étions logés, j'entendis quelqu'un qui me disait :
— Monsieur, je vous remercie bien de votre galanterie.
Je me retournai ; c'était une jeune femme assise avec son mari à la table voisine.
— Quoi donc ? lui demandai-je, préoccupé.
— D'avoir ramassé mon manteau ; n'est-ce pas vous ?
— Oui, madame, repris-je, embarrassé.
Elle me regarda.
Je baissai les yeux et rougis. Quel regard, en effet !
Comme elle était belle, cette femme ! Je vois encore cette prunelle ardente sous un sourcil noir se fixer sur moi comme un soleil.
Elle était grande, brune, avec de magnifiques cheveux noirs qui lui tombaient en tresses sur les épaules ; son nez était grec, ses yeux brûlants, ses sourcils hauts et admirablement arqués, sa peau était ardente et comme veloutée avec de l'or ; elle était mince et fine, on voyait des veines d'azur serpenter sur cette gorge