Corpus poésie : ronsard, eluard, baudelaire
GUY DE MAUPASSANT
On parlait de bonnes fortunes et chacun en racontait d'étranges : rencontres surprenantes et délicieuses, en wagon, dans un hôtel, à l'étranger, sur une plage. Les plages, au dire de Roger des Annettes, étaient singulièrement favorables à l'amour.
Gontran, qui se taisait, fut consulté.
—C'est encore Paris qui vaut le mieux, dit-il. Il en est de la femme comme du bibelot, nous l'apprécions davantage dans les endroits où nous ne nous attendons point à en rencontrer ; mais on n'en rencontre vraiment de rares qu'à Paris :
Il se tut quelques secondes, puis reprit :
—Cristi ! c'est gentil ! Allez un matin de printemps dans nos rues. Elles ont l'air d'éclore comme des fleurs, les petites femmes qui trottent le long des maisons. Oh ! le joli, le joli, joli spectacle ! On sent la violette au bord des trottoirs ; la violette qui passe dans les voitures lentes poussées par les marchandes.
Il fait gai par la ville ; et on regarde les femmes. Cristi de cristi, comme elles sont tentantes avec leurs toilettes claires, leurs toilettes légères qui montrent la peau. On flâne, le nez au vent et l'esprit allumé ; on flâne, et on flaire et on guette. C'est rudement bon, ces matins-là !
On la voit venir de loin on la distingue et on la reconnaît à cent pas, celle qui va nous plaire de tout près. A la fleur de son chapeau, au mouvement de sa tête, à sa démarche, on la devine. Elle vient. On se dit : «Attention, en voilà une,» et on va au-devant d'elle en la dévorant des yeux.
Est-ce une fillette qui fait les courses du magasin, une jeune femme qui vient de l'église ou qui va chez son amant ? Qu'importe ! La poitrine est ronde sous le corsage transparent.
—Oh ! si on pouvait mettre le doigt dessus ? le doigt ou la lèvre.—Le regard est timide ou hardi, la tête brune ou blonde ? Qu'importe ! L'effleurement de cette femme qui trotte vous fait courir un frisson dans le dos. Et comme on la désire jusqu'au soir, celle qu'on a rencontrée ainsi !