Critique de l'ideollogie liberale
N'étant pas né de l'œuvre d'un seul homme, le libéralisme ne s'est jamais présenté comme une doctrine unifiée. Les auteurs qui s'en sont réclamés en ont donné des interprétations parfois divergentes, sinon contradictoires. Cependant, il fallait bien qu'il y ait entre eux suffisamment de points communs pour qu'on puisse les considérer les uns et les autres comme des auteurs libéraux. Ce sont précisément ces points communs qui permettent de définir le libéralisme en tant qu'école. Le libéralisme est d'une part une doctrine économique, qui tend à faire du modèle du marché autorégulateur le paradigme de tous les faits sociaux : ce qu'on appelle le libéralisme politique n'est qu'une manière d'appliquer à la vie politique des principes déduits de cette doctrine économique, laquelle tend précisément à limiter le plus possible la part du politique. (C'est en ce sens que l'on a pu dire qu'une « politique libérale » était une contradiction dans les termes). D'autre part, le libéralisme est une doctrine qui se fonde sur une anthropologie de type individualiste, c'est-à-dire qu'elle repose sur une conception de l'homme comme être non fondamentalement social. Il se trouve que ces deux traits caractéristiques, qui possèdent l'un et l'autre un versant descriptif et un versant normatif (l'individu et le marché sont à la fois décrits comme des données de fait et présentés comme des modèles), sont directement antagonistes des identités collectives. Une identité collective ne saurait en effet s'analyser de manière réductionniste, comme la simple somme des caractéristiques que possèdent des individus rassemblés au sein d ’une collectivité donnée. Elle requiert que les membres de cette collectivité aient la claire conscience que leur appartenance englobe ou excède leur être individuel, c'est-à-dire que leur identité commune résulte d'un effet de composition. Or, dans la mesure où il se fonde sur l'individualisme, le libéralisme tend