Croire empeche t il le savoir
Au xix° siècle a été découvert un temple d’Apollon à Chypre et des inscriptions montrant que des prêtres prétendaient lire dans les feux des brasiers des animaux sacrifiés les volontés des dieux (cf. Marcel Détienne, Apollon le couteau à la main, 1998, p.66 et sq.). Il est difficile de ne pas trouver absurde de croire de telles choses.
En effet, croire consistant à tenir pour vrai ce dont on n’a pas de preuve, l’acte paraît intrinsèquement absurde puisque dénué de tout sens rationnel. Croire est le plus sûr moyen pour ne pas arriver à ses fins.
Cependant, s’il fallait toujours attendre des preuves pour agir, peut-être ne pourrions-nous rien faire de sorte que croire paraît moins absurde que tout à fait raisonnable pour qui ne peut faire autrement.
On peut donc se demander s’il est vraiment absurde de croire et comment s’en passer ou bien s’il y a des conditions qui nous permettent de croire sans absurdité.
On examinera d’abord s’il y a des personnes ou des choses en lesquelles nous pouvons avoir confiance sans preuve. Puis nous essayerons de déterminer s’il est possible tout en sachant qu’on est ignorant d’agir. Enfin, nous verrons s’il y a un savoir qui rend possible l’élimination de toute croyance. Ce qui donne l’impression que croire est absurde, c’est qu’on affirme comme vrai ce qu’on ne sait pas être tel. Dès lors, quel sens peut avoir le fait de croire ? D’abord, il est clair que l’acte de croire s’adresse à une personne. On use en ce sens de l’expression « croire en ». C’est le cas de la foi, notamment religieuse. Prenons l’exemple d’Abraham dans la Genèse (20-22). Dieu lui a promis une longue descendance. Et pourtant, après l’avoir fait longtemps attendre, il lui demande de sacrifier son seul fils légitime. Du point de vue de la raison humaine, c’est clairement absurde car comment avoir une longue descendance sans un enfant pour l’assurer ? Et pourtant, Abraham emmène Isaac pour le sacrifier. Sa foi en Dieu s’en