Dans La Nuit Mozambique
Je suis un homme brûlé, je fais peur, j’ai des yeux de chat et une maigreur de phtisique. Combrec est un vieux cap-hornier à qui un cordage, un jour de tempête, avait arraché l’oreille. A ses yeux, je n’étais que le remplaçant provisoire du vieux Bressac: un 2e promu par les aléas du sort. Cinq nègres s’étaient échappés de notre navire à Gorée, au large du Sénégal, le capitaine Bressac mourût. Je dois assurer le commandement: achever le chargement du navire le plus vite possible et quitter l’Afrique. J’ai ordonné de changer de cap: remonter vers Saint-Malo pour y déposer la dépouille de Bressac et après, continuer notre route vers l’Amérique. Le gémissement des nègres est monté du ventre du bateau: ils gémissaient lorsque les dernières terres d’Afrique disparaissaient à l’horizon. Après l’enterrement du capitaine dans un calme absolu, des gamins se mirent à crier que les nègres essayaient de s’échapper du navire. Les nègres avaient réussi à se précipiter sur le pont. A notre arrivée, je tuai aussi vite le premier nègre qui se présenta. Si je perdais des nègres, je perdais de l’argent. Le duc voulait absolument régler le problème lui-même mais il compte bien tuer les nègres enragés. Tous les habitants voulaient participer à cette nuit ou nous avions le droit de tuer. Le premier nègre fut abattu une heure à peine après le début du couvre-feu. Plus tard, un autre fut bastonné par des paysans qui le trouvèrent recroquevillé dans un coin de la rue de la Pie-qui-Boit. Le troisième, je le ramenai vivant moi-même. Je le trouvai dans la cave d’un tonnelier, terrorisé et tremblant de faim. Tout le monde savait qu’il n’en restait qu’un seul à tuer et ils devinrent tous fou. Une nouvelle idée née en moi. Crombec fit descendre 10 nègres du navire et à chacun, il passa une épaisse chaîne autour du cou. Nous ne faisions que marcher et l’esclave devait appeler sans cesse le fugitif, lui répéter qu’il valait mieux se rendre, qu’il ne lui serait pas fait de mal, que