Discours de Barrès à la chambre des députés
Eh bien ! Je ne raisonnerai pas dans l'abstrait, je regarde la situation de la ville de Paris. Si nous supprimons la peine de mort, si nous faisons cette expérience de désarmement au risque de qui serait-elle faite? Il faut bien le constater : ce sont les pauvres que nous découvrons, ce sont eux qui pâtiront d'abord [...]
Cette suppression de la peine de mort sera-t-elle du moins un ennoblissement de notre civilisation? Si quelques-uns sont disposés à le croire, c'est qu'ils désirent mettre, de plus en plus, notre société d'accord avec les données que nous fournit la science. Nous écoutons les médecins qui nous disent en regardant les assassins : "Ils sont nécessités. Celui-ci tient son crime de son atavisme; cet autre le tient du milieu dans lequel il a été plongé. " [...]
La science nous apporte une indication dont nous tous, législateurs, nous savons bien que nous avons à tirer parti; combattons les causes de dégénérescence'. Mais quand nous sommes en présence du membre déjà pourri, quand nous sommes en présence de ce malheureux - malheureux, si nous considérons les conditions sociales dans lesquelles il s'est formé, mais misérable si nous considérons le triste crime dans lequel il est tombé, - c'est l'intérêt social qui doit nous inspirer et non un attendrissement sur l'être antisocial.
Allons au fond de la question. II me semble que dans la disposition traditionnelle qu'ont un grand nombre d'esprits, éminents, généreux, à prendre en considération les intérêts de l'assassin, à s'y attarder, avec une sorte d'indulgence. Il y a cette erreur de croire que nous nous trouvons en présence d'une sorte de barbare tout neuf, auquel il a manqué quelques-uns des avantages sociaux que, nous autres, plus favorisés, nous possédons. [...]
Hugo a cru que l'assassin, c'était un être trop neuf, une matière humaine toute neuve,