Discours de saint-just
Référence de l’extrait : SAINT-JUST, Louis-Antoine de. « Discours de Saint-Just à la Convention sur le jugement de Louis XVI, 13 novembre 1792 » dans Jacques GODECHOT, La pensée révolutionnaire en France et en Europe, 1780-1799, Paris, Armand Colin, 1964, p. 198-202.
1 On ne peut point régner innocemment; la folie en est trop évidente. Tout roi est un rebelle et un usurpateur. Les rois mêmes traitaient-ils autrement les prétendus usurpateurs de leur autorité? Ne fit-on pas le procès à la mémoire de Cromwell? Et, certes, Cromwell n’était pas er plus usurpateur que Charles I ; car lorsqu’un peuple est assez lâche pour se laisser mener 5 par des tyrans, la domination est le droit du premier venu, et n’est pas plus sacrée ni plus légitime sur la tête de l’un que sur celle de l’autre. Voilà les considérations qu’un peuple généreux et républicain ne doit pas oublier dans le jugement d’un roi. On nous dit que le roi doit être jugé par un tribunal, comme les autres 10 citoyens … Mais les tribunaux ne sont établis que pour les membres de la cité; et je ne conçois point par quel oubli des principes des institutions sociales un tribunal serait juge entre un roi et le souverain; comment un tribunal aurait la faculté de rendre un maître à la patrie, et de l’absoudre, et comment la volonté générale serait citée devant un tribunal. 15 On vous dira que le jugement sera ratifié par le peuple. Mais si le peuple ratifie le jugement, pourquoi ne jugerait-il pas? Si nous ne sentons point tout le faible de ces idées, quelque forme de gouvernement que nous adoptassions, nous serions esclaves; le souverain n’y serait jamais à sa place, ni le magistrat à la sienne, et le peuple serait sans garantie contre l’oppression. 20 Citoyens, le tribunal qui doit juger Louis n’est point un tribunal judiciaire : c’est un conseil, c’est le peuple, c’est vous : et les lois que nous avons à