Discours
La question est de savoir « ce que peut nous apporter » une telle réflexion. Avec l’expression « peut » l’énoncé suggère que différents possibles sont à envisager. L’effort entrepris peut être stérile ou fécond ; attristant ou réjouissant. Qu’en est-il de la réflexion sur mes désirs ? Ai-je quelque chose à y gagner ou à l’inverse beaucoup à perdre ?
Ainsi suspendre la spontanéité du désir ; en dévoiler les illusions, l’irrationalité ou l’aliénation n’est-ce pas prendre le risque de désenchanter le réel qu’il colore de ses chimères et d’être confronté à sa propre vanité ? Une telle démystification n’est-elle pas de nature à nous accabler et même si l’on en croit Pascal à susciter le désespoir d’un être misérable et vain que seul le divertissement peut sauver du vertige du néant ? Il se peut aussi que la réflexion elle-même ne soit pas épargnée si d’aventure elle devait découvrir qu’il n’y a pas d’exercice autonome de la pensée, que celle-ci est toujours déjà investie par du désir et que nos jugements sont au service de nos sentiments. « Nous ne désirons pas une chose parce que nous jugeons qu’elle est bonne nous apprend Spinoza mais nous la jugeons bonne parce que nous la désirons ». La réflexion sur nos désirs est ainsi susceptible de jeter un soupçon sur la pensée elle-même au point de la décourager de manière radicale. « La philosophie ne vaut pas une heure de peine » disait en ce sens le pessimiste Pascal. Si telle devait être la seule leçon d’une réflexion sur nos désirs, il faudrait alors se demander à la manière de Descartes s’il ne