Dissert homère
Sans doute connaît-il assez, pour en jouer lui-même, le pouvoir de séduction de la parole et de la voix – et Hélène, ici, se rapproche des Sirènes. En de nombreuses occasions dans l’Odyssée, Ulysse, de son côté, contrefait non seulement son apparence, mais aussi sa voix et son discours pour prendre des identités multiples : auprès des Phéaciens, par exemple, chez qui il arrive après avoir quitté l’île de Calypso et subi une terrible tempête, puis dans son île d’Ithaque, où ces marins l’ont ramené. Chez les Phéaciens, d’ailleurs, lorsqu’il prend le relais de l’aède Démodocos pour conter ses aventures, il relate les multiples travestissements dont il a usé en diverses péripéties : paradoxalement, son discours reproduit et revendique alors les mensonges antérieurs.
Pour analyser le personnage et ses aspects troublants, on peut dresser une liste de ces travestissements et fausses déclarations d’identité dans l’ordre où on les rencontre en lisant l’Odyssée. Devant Nausicaa, la parole d’Ulysse est dissimulatrice par évitement : contrairement aux usages, c’est lui qui demande à la jeune fille qui elle est, et elle, peut-être désarçonnée, ne lui renvoie pas la question. Au chant VII, lorsque la reine Arété, après lui avoir fait apporter nourriture et boisson, lui pose la question rituelle (v. 237-239), Ulysse se dérobe encore, faisant diversion en racontant son départ de l’île de Calypso et la tempête qu’il a subie (v. 241-297). Le lendemain, Alcinoos rassemble les Phéaciens en l’honneur de l’étranger, qui n’a toujours pas donné son nom, et ce n’est qu’après les chants de l’aède Démodocos et les divertissements procurés par des jeux athlétiques et des danses qu’Ulysse, questionné une nouvelle fois, énonce enfin orgueilleusement son identité :
"Je suis Ulysse, fils de Laërte, dont les ruses
Sont fameuses partout, et dont la gloire touche au