Dissertation montesquieu
« Il faut savoir le prix de l’argent : les prodigues ne le savent pas, et les avares encore moins ».
Il est remarquable que le président du parlement de Bordeaux propose à la fois l’impératif de connaître le prix de l’argent et qu’il exclue de cette connaissance les prodigues et les avares selon une gradation dans l’incapacité. Il veut donc dire que ce savoir implique un rapport à l’argent qui ne soit ni celui de la dépense excessive et encore moins celui de la conservation excessive. Ces deux vices empêchent ceux qui en sont habités d’accéder à la connaissance de l’argent. En être délivré, c’est pouvoir répondre à cet impératif. Seuls le pourraient ceux qui ne dépensent pas trop et encore moins ceux qui ne veulent rien dépenser.
Or, le prodigue en tant qu’il dépense et l’avare en tant qu’il conserve aime chacun à leur façon l’argent. L’un cherche toujours de l’argent pour le dépenser, l’autre cherche à conserver le sien et donc à dépenser au plus juste. Comment donc pourraient-ils en méconnaître le prix alors que c’est l’affaire de leur vie ? Et si d’un autre côté ni l’avare ni le prodigue ne savent le prix de l’argent, y a-t-il véritablement quelqu’un qui le sait s’il est vrai comme Aristote le soutenait que viser le juste milieu est des plus difficiles ? Enfin, ne peut-on pas considérer que l’avarice et la prodigalité désigne moins des vices que des pôles du rapport à l’argent qui habitent en quelque sorte tout le monde ce qui impliquerait que l’impératif de savoir le prix de l’argent est possible à mettre en œuvre par tous ou par personne ? Bref, l’impératif de connaître le prix de l’argent en ayant un juste rapport à lui a-t-il un sens ?
Nous nous demanderons d’abord en quoi l’avare et le prodigue