Dissertation : personnages des romans
Réfléchissant sur le roman, Albert Camus conclut :
« Voici donc un monde imaginaire, mais créé par la correction de celui-ci, un monde où la douleur peut, si elle le veut, durer jusqu'à la mort, où les passions ne sont jamais distraites, où les êtres sont livrés à l'idée fixe et toujours présents les uns aux autres. L'homme s'y donne enfin à lui-même la forme et la limite apaisante qu'il poursuit en vain dans sa condition. Le roman fabrique du destin sur mesure. C'est ainsi qu'il concurrence la création et qu'il triomphe, provisoirement, de la mort. »
Vous commenterez et discuterez ce texte à la lumière de vos lectures.
Mise en place du sujet :
« Quel roman que ma vie » aurait dit Napoléon à Sainte-Hélène... Le roman, en effet, pourrait reconnaître pour sien ce personnage dont l'ascension et la chute fulgurantes ont inscrit le mythe dans l'Histoire. Monde clos, dont les ficelles sont manipulées par un créateur démiurge, le roman déploie en effet des personnages qui ne sont pas, comme nous, englués dans l'arbitraire ni voués à des hasards dérisoires. Pour Camus, l'intérêt du roman se rattache à la façon dont l'homme se sent situé et déterminé sur la terre. Les gens voudraient rester fidèles à leurs douleurs et à leurs passions, mais des "distractions" surviennent, et ils se laissent entraîner, à leur honte secrète, là où les nécessités de l'existence les détournent de leur monde intérieur. A cette versatilité, reflet de l'incohérence générale du monde, le roman semble opposer la fidélité à soi, la permanence. Camus donne lui-même dans L'Homme révolté des exemples de cette fabrication par le roman d'un destin cohérent où l'homme trouve une unité :
Qu'est-ce que le roman, en effet, sinon cet univers où l'action trouve sa forme, où les mots de la fin sont prononcés, les êtres livrés aux êtres, où toute vie prend le visage du destin. Le monde romanesque n'est que la correction de ce monde-ci, suivant le désir