Dissertation téléchargé
On chercherait en vain dans cette œuvre les signes de quelque démangeaison métaphysique : peut-être est-ce l’arrière-fond campagnard – quelque chose comme un positivisme de bon aloi – qui a préservé Gracq des affres du mysticisme et des tourments de l’intellectualisme. Il y a en lui un matérialisme heureux, paisible, qui se satisfait de ce monde, y trouve nourriture pour l’esprit comme pour le rêve, et équilibre. Si le tragique, en effet, ne prend pas, c’est parce que l’homme ne se sent nullement en exil mais d’abord et toujours relié à la terre, accordé à elle, pleinement, totalement irrigué - corps et âme. Claude Dourguin In Qui vive ? Autour de Julien Gracq, J. Corti, 1989, p. 77
Introduction
Peu d’œuvres autant que celle de Gracq donnent le sentiment du bonheur ; nés de cette « élation vers l’éventuel » en laquelle il voit la dynamique propre à la création et au romanesque, ses récits semblent a priori bien éloignés de tout sentiment tragique. Gracq s’est élevé contre une littérature trop sombre, comme celle de Malraux, habitée par la seule condition malheureuse de l’homme ; il s’est également opposé à l’existentialisme : à Sartre en particulier, il reprochait de faire verser le roman dans la conversation de café, aux résonances métaphysiques. C’est donc une autre vocation qui aimante le roman : celle d’une présence au monde sensible qu’il faut préserver et orienter vers un accord profond entre le sujet et le monde qui l’entoure. Pour autant, il paraît bien singulier de qualifier Gracq de romancier matérialiste ou positiviste. Son ancrage dans le monde est plutôt affaire de sensibilité et oriente sa poétique vers une écriture de l’image et de la métamorphose. En outre, la tension vers le sacré et la magie de l’écriture sont pour beaucoup dans sa défense et son illustration du surréalisme : il a toujours reconnu en Breton en particulier un ardent défenseur d’une littérature du « oui », d’une poésie qui fait sa place tout entière à la