Dom Juan : pièce comique ou tragique ? La pièce hybride de Dom Juan a choqué. Cette oeuvre de Molière mêle les registres, ne respecte pas la règle des unités, met en péril vraisemblance et bienséance. L’histoire « vécue » d’un certain Dom Juan Tenorio, seigneur espagnol du XVIe siècle, entre en littérature grâce à la comédie espagnole du moine Tirso de Molina dans les années 1620-1630. Les spécialistes discutent pour savoir si Molière connaissait ou non l’original. Peu importe. L’histoire s’était diffusée et il ne fait pas de doute que Molière fréquentait les tragi-comédies de ses contemporains Dorimond et Villiers, toutes deux intitulées Le Festin de pierre, ainsi que les versions farcesques qu’en donnaient les Italiens. Molière complexifie le schéma de la pièce et mêle tragique, tragicomique, farce, merveilleux et burlesque. Le titre pourrait être celui d’une tragédie ou d’une comédie de caractère. Il met en effet en valeur le personnage principal, fait de lui le sujet de la pièce, ce qui est bien le cas, mais ne suffit pas à rendre compte de la complexité.
I. Tragédie Le tragique est principalement incarné par les personnages d’Elvire et de Dom Louis, mais également par Dom Juan .
Tragique en effet est la situation d’Elvire, qui aime encore un Dom Juan, qui l’a séduite, enlevée et épousée, et n’en est plus aimée. Elle sait, malgré le désir qu’elle a de continuer à espérer, qu’elle n’a rien à attendre de lui. Le ton de son père Dom Louis n’est pas très différent, qui déplore d’avoir honte de ce qui a fait l’objet de tant de voeux, de prières et de chagrins. Mais Dom Juan, qui à bien des moments joue les metteurs en scène de ses interlocuteurs, ne laisse pas le tragique envahir la scène.
D’un mot ironique, dans la scène 6 de l’acte 4, quand Elvire revient le voir, chargée d’un amour épuré, détaché, qui n’a plus d’autre objet que le salut de l’homme qu’elle a chéri, Dom Juan l’interrompt en s’adressant à Sganarelle d’un « tu pleures, je