Pour véhiculer leurs idées, la plupart des philosophes ou des grands penseurs ont pratiqué différents genres littéraires, souvent au gré de leur sensibilité ou du public qu’ils cherchaient à toucher. Certains auteurs, comme Voltaire ou Diderot, se sont plu à composer des contes philosophiques pour enchanter un public féminin fréquentant les salons et avide d’histoires croustillantes. D’autres ont préféré des ouvrages plus directs, souvent par souci de rigueur et de concision. La Fontaine, célèbre auteur de fables, qui fait partie de la première catégorie, s’est exprimé en ces termes à propos de son oeuvre: « je ne doute pas que vous ne regardiez favorablement des inventions si utiles et tout ensemble si agréables ». Cette prière, adressée au dauphin, est, pour lui, une façon de se demander si les oeuvres à caractère argumentatif peuvent à la fois plaire et instruire. Autrement dit, les récits engagés sont-ils un moyen d’enseigner à la fois efficace et distrayant ?
Pour répondre à cette question, nous verrons tout d’abord en quoi certains aspects de l’écriture inventive peuvent parfois amoindrir la portée d’un message, puis nous démontrerons que, dans la plupart des cas, elle est un excellent support à la diffusion du savoir et des idées.
Il faut admettre que l’écriture d’un roman, d’un conte ou de tout autre récit oblige parfois à répondre à de nombreuses exigences au sens où elle impose des objectifs dont les enjeux ne sont pas toujours en parfaite harmonie. En effet, la plupart des genres narratifs à finalité argumentative tendent à raconter des histoires dont la portée symbolique peut parfois engendrer un sentiment de relative crédibilité. Certains écrits présentent des personnages ou des situations quelque peu caricaturaux dont le lecteur peut estimer qu’ils ne correspondent à aucune réalité tangible. Ainsi, les trois prophètes du conte de Voltaire intitulé Le Taureau Blanc sont présentés comme des êtres trop rapidement