Premièrement, il devra apporter au lecteur-spectateur des informations sur l'identité des personnages, les rapports qu'ils entretiennent, l'époque, les événements qui se déroulent hors scène... Tel personnage feint de donner une information à un autre personnage, son interlocuteur naturel, mais l'auteur la destine aussi aux spectateurs, « lesquels ont, à l'ouverture de la pièce, un sérieux handicap: leur "compétence encyclopédique", en ce qui concerne l’univers fictionnel dans lequel évoluent les personnages, est vierge. » 1 Cette espèce de mise à niveau des spectateurs devra pourtant se faire de la façon la plus naturelle possible.
Deuxièmement, le discours théâtral sera chargé de messages de l'auteur.
Celui-ci ne peut, comme son collègue le romancier, déléguer au récit un narrateur qui établit un lien avec le lecteur. Le romancier dispose d'une palette de possibilités pour s'exprimer. Le dramaturge, lui, est condamné à diffuser ses idées par les dialogues de ses personnages, à les traduire en discours tout en faisant en sorte que les personnages continuent à « parler vrai ».
Troisièmement, le discours théâtral sera chargé d'éléments qui, dans la vie courante, ne sont que rarement verbalisés: réflexions et sentiments intimes, idées révoltantes, tabous. Le romancier peut sonder l'esprit de ses personnages jusque dans les profondeurs de l'inconscient et rapporter au lecteur des pensées ou des émotions secrètes grâce notamment au monologue intérieur. Le dramaturge ne peut que traduire le monologue intérieur en soliloque. Ce qui n'est pas sans inconvénient sur le naturel: dans la vie courante, se parle-t-on à soi-même tout haut et devant les autres sans une certaine gêne? Le risque d'invraisemblance de ce procédé est évité dans la tragédie classique grâce au faux dialogue, dialogue entre un héros et son confident. MOLIERE use du monologue avec parcimonie, lui donnant parfois la forme d'un dialogue avec un personnage absent. Par exemple,