Au fil des siècles, l’humour est toujours resté très présent en littérature. Au XVIIe siècle, les dramaturges Molière et Corneille l’utilise, afin de critiquer la société contrôlée par la Cour à cette époque, tout en détournant la censure. Au XVIIIe siècle, les philosophes des Lumières, Marivaux, Voltaire, Montesquieu et Beaumarchais utilisent l’humour pour instruire. « Je me presse de rire de tout, de peur d’être obligé d’en pleurer », dit Figaro à son maître dans Le Barbier de Séville, de Beaumarchais. Figaro, un personnage de théâtre, prend ainsi du recul, grâce à l’humour, sur ses malheurs personnels afin de mieux les supporter. Nous pouvons nous demander : « Peut-on traiter des sujets sérieux sur un mode léger ? ». Est-il possible d’évoquer des sujets graves sur un ton plaisant ? Pour répondre à cela, nous verrons qu’à première vue, un ton humoristique ne semble pas s’accorder avec des visées sérieuses. Puis, le mode léger apporte certains avantages et peut être agréable à la lecture. Finalement, un sujet traité de façon distrayante peut paraître sérieux.

La fantaisie ne semble, à priori, pas adaptée aux sujets sérieux ou tabous tels que la guerre, la condition humaine et la dénonciation d’une institution ou d’un conflit. Tout d’abord, l’emploi d’un mode léger par un auteur peut renvoyer involontairement à des mauvaises interprétations. En effet, l’emploi continuel de l’ironie peut égarer le lecteur en lui faisant comprendre l’inverse de la thèse du narrateur. Le moraliste Montesquieu, dans l’extrait « De l’esclavage des nègres », tiré De l’esprit des lois, 1748, illustre à merveille cet argument. Il y propose une thèse qui est « le droit de rendre les Nègres esclaves » qu’il soutient avec de multiples arguments. Mais en réalité, il la dénonce et ne la défend pas. L’ironie naît ainsi du décalage entre sa thèse et sa véritable pensée que le lecteur parvient à comprendre avec l’aspect hypothétique de la première phrase où Montesquieu énonce sa thèse.