Dissertations
Petites, elles vivaient déjà hors du temps. Parfois, j’allais jouer avec elles, parce qu’elles sont mes cousines. Lorsqu’une voiture arrivait, nous devions nous cacher ! La maison était très sombre, le feu allumé toute l’année dans la pièce de vie. Les deux grandes tables étaient toujours encombrées d’un bric-à-brac de vieilleries. Ils n’étaient que quatre dans cette famille, ces deux grandes tables ne lassaient donc pas de me surprendre.
Au collège, j’avais un peu honte de ces cousines démodées, jumelles de surcroît et je les ignorais. Le samedi, parfois, elles rentraient avec moi. Nous devions donc traverser la ville à pied pour rejoindre mon père dans son bureau. Je ne savais pas trop de quoi parler avec elles. J’étais souvent agacée par leur manie de ramasser tous les trésors qu’elles pouvaient trouver par terre.
Très vite, je ne les ai plus vues qu’aux fêtes de famille, le 1er de l’an chez nos grands-parents, aux communions et aux mariages. Je menais ma vie d’adolescente, totalement indifférente à mes cousines, qu’on n’appelait que « les jumelles », comme si elles formaient une entité indissociable. Alors qu’auparavant, je parvenais à les différencier – S. était un peu plus frondeuse que J., un peu plus grande aussi – je les fondais toutes deux dans une seule personne, m’inspirant un peu de pitié.
Elles ne sortaient pas, n’avaient pas de petit copain, n’ont pas fait d’études. Bref, elles ne sont jamais sorties de leur trou. Pendant quelques années, elles ont été amies avec I.. Mais cette amitié a mal tourné, je ne sais plus pourquoi.
Bien sûr, elles ne se sont pas enterrées d’elles-mêmes sans rien faire pour s’en sortir. Mais leur