Dissertations
Entre le texte théâtral et sa forme scénique, il y a, nécessairement et simultanément, altérité et interdépendance. En effet, s'il y avait recouvrement total, il ne pourrait y avoir qu'une seule représentation possible, qui serait alors entièrement inscrite dans le texte, – comme si le texte et le cahier de régie contenaient les mêmes choses. Or, on sait depuis toujours qu'à la relative pérennité et unicité du texte s'oppose le caractère éphémère et multiple des mises en scène. De cette même illusion de recouvrement total relève, sous une forme plus sournoise, la conception du texte comme cause première et dernière: comme si la représentation n'était que la conséquence logique du texte, son achèvement, sa consécration; comme si la mise en scène n'était que l'explicitation visible, l'interprétation "spectaculaire" du texte. D'autre part, si texte et scène étaient des entités totalement autonomes, on aurait d'un côté un genre littéraire marqué par des séquences de dialogues entrecoupées par le méta-texte des didascalies2et, de l'autre, les arts du spectacle où les acteurs s'adonneraient à cœur joie au plaisir de l'improvisation, à l'invention à l'état pur, y compris la plus débridée3; or, le fait théâtral implique manifestement les deux aspects.
Certains phénomènes sont là pour infirmer l'une et l'autre de ces thèses. De tout temps, il y a eu des exemples d'interpénétration, d'imbrication et de conditionnement réciproque entre texte et scène. Comme on sait, le texte publié n'a pas toujours préexisté à la représentation, bien au contraire4. Autre façon de souligner que, grâce a sa forme manuscrite, le texte restait ouvert et mobile, guidé par la seule «mouvante vivacité» évoquée par Hegel: [...] il n'est pas sans importance, pour le poète et sa composition, de penser à la représentation scénique qui exige impérieusement cette vivacité dramatique: j'irai jusqu'à dire qu'aucune pièce de théâtre ne devrait être imprimée, mais devrait être