L'ouvrage qu'on a pris l'habitude d'appeler Histoire Auguste est certainement le plus énigmatique que nous ait légué l'Antiquité. Il s'agit d'un recueil de biographies des empereurs romains, qui commence avec Hadrien et s'achève à la mort de Numérien, fils de Carus, couvrant ainsi une période de cent soixante-huit ans, de 117 à 285 apr. J.-C. Ce qui fait l'originalité première de l'œuvre, c'est que non seulement les empereurs principaux " légitimes " (Hadrien, Antonin, Marc-Aurèle...) sont dotés d'une biographie individuelle, mais qu'il en est de même aussi bien pour leurs " corégents ", associés à leur pouvoir de manière subordonnée (Aelius, Géta...) que pour les usurpateurs (Avidius Cassius, les trente tyrans...). D'autre part, si l'auteur prétend être un biographe comme Suétone et non un historien comme Tacite, il laisse une large place aux détails, aux anecdotes amusantes, voire triviales, susceptibles de retenir l'attention du lecteur, mais interprète ces développements obligés d'une façon personnelle, inventant des documents, des auteurs, des personnages sans le moindre scrupule pour justifier ses dires. Mieux, cet imposteur adopte dans le cours de l'oeuvre six pseudonymes différents et prétend écrire les vies impériales un siècle plus tôt qu'il ne le fait en réalité.
Sans avoir la réputation des Césars de Suétone, l'Histoire Auguste appartient au même genre de biographies, qui mêle narrations, rubriques et curiosités. Couvrant les années 117 à 285, elle est la principale source latine pour les siècles de la Paix romaine et de la grande crise du IIIe siècle. Toutefois, elle a été l'objet à notre époque d'une suspicion générale de la part des historiens. La présente édition voudrait inciter à une relecture globale de ce monument d'histoire culturelle et, du même coup, à une réévaluation de sa valeur historique.