Doit administrat: la théorie de la loi écran à t-elle encore un avenir?
La théorie de la loi écran est le fruit pervers d'une prégnance trop stricte du principe de séparation des pouvoirs dans l'ordre juridique français ; en effet, la constitution, avec l'avènement de la V ème République, étant consacrée au sommet de la pyramide hiérarchique des normes, il semble tout à fait paradoxal qu'un acte administratif se trouvant au bas de cette structure si chère à Kelsen puisse violer ouvertement une norme constitutionnelle et cela au regard même du principe de la hiérarchie des normes. Le sacro-saint article 10 de la loi de 1790 semble l'emporter, le juge ordinaire ne peut empiéter sur les prérogatives du législateur, l'acte découlant d'une loi voté par le Parlement ne peut être écarté ( CE sect , 6 novembre 1936, Arrighi ). Pour les normativistes, la conclusion de cet état de fait peut s'avérer alarmante, dans une logique de suprématie constitutionnelle, les vieux fantômes de la III ème République où la constitution était sans cesse bafouée, semblent ressurgir.
Certes le rôle de gardien de la constitution du Conseil Constitutionnel pourrait limiter le problème, mais celui-ci n'est pas juge des actes du pouvoir exécutif, il n'est juge des actes parlementaires que durant un laps de temps très bref et à la suite d'une saisine obéissant exclusivement à des considérations politiques ce qui laisse hors de son contrôle toutes les lois antérieurs à 1958 et un certain nombre postérieur à cette date. Le principe de l'écran législatif qui avait pour but primaire d'éviter un "gouvernement des juges" en respectant la souveraineté de la loi ainsi que la figure du législateur, ne manque pas aujourd'hui de détracteurs. Le vide juridique laissé par l'inertie du juge administratif semble criant, la légitimité de la théorie de la loi écran s'en trouve bouleversée; c'est dans ce sens que Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'Etat, a salué chaleureusement la réforme