Don juan acte 4 scene 7
Sçais-tu bien que j'ay encore senty quelque peu d'émotion pour elle, que j'ay trouvé de l'agrément dans cette nouveauté bizarre, et que son habit negligé, son air languissant, et ses larmes ont réveillé en moy quelques petits restes d'un feu éteint.
SGANARELLE.
C'est à dire que ses paroles n'ont fait aucun effet sur vous. D. JUAN.
Vite à souper.
SGANARELLE.
Fort bien.
D. JUAN se mettant à table.
Sganarelle, il faut songer à s'amender pourtant.
SGANARELLE.
Oüi dea.
D. JUAN.
Oüy, ma foy, il faut s'amender, encore vingt ou trente ans de cette vie cy, et puis nous songerons à nous.
SGANARELLE.
Oh.
D. JUAN.
Qu'en dis-tu ?
SGANARELLE.
Rien, voila le soupé.
(Il prend un morceau d'un des plats qu'on apporte, et le met dans sa bouche.)
D. JUAN.
Il me semble que tu as la joüe enflée, qu'est-ce que c'est ? parle donc, qu'as-tu là ?
SGANARELLE.
Rien.
D. JUAN.
Montre un peu, parbleu c'est une fluxion qui luy est tombée sur la joüe, vite une lancette pour percer cela. Le pauvre garçon n'en peut plus, et cétte abcez le pourrait étouffer, attends, voyez comme il estait mur. Ah, coquin que vous estes.
SGANARELLE.
Ma foy, Monsieur, je voulais voir si vostre Cuisinier n'avoit point mis trop de sel, ou trop de poivre.
D. JUAN.
Allons, mets-toy là, et mange. J'ay affaire de toy quand j'auray soupé, tu as faim à ce que je voy ?
SGANARELLE se met à table.
Je le croy bien, Monsieur, je n'ay point mangé depuis ce matin. Tatez de cela, voila qui est le meilleur du monde. (Un laquais ote les assiettes de Sganarelle d'abord qu'il y a dessus à manger.)
Mon assiette, mon assiette. Tout doux, s'il vous plait.
Vertubleu, petit Compere, que vous estes habile à donner des assiettes nettes, et vous, petit la Violette, que vous savez presenter à boire à propos.
(Pendant qu'un laquais donne à boire à Sganarelle, l'autre laquais oste encore son assiette.) D. JUAN.
Qui peut fraper de cette sorte ?