Dopage
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Le dopage, un phénomène de société
Claude-Louis GALLIEN *
RÉSUMÉ Le dopage ne doit pas être appréhendé seulement en référence aux sportifs de haut niveau. Il ne convient pas non plus de se limiter à une approche qui ne concernerait que la pratique sportive. À travers le problème du dopage sportif se pose en réalité la question de la conception même du sport, et cette question renvoie directement à un débat beaucoup plus large qui est celui d’un choix de société. Dans une société de la performance, qui est aussi une société du risque, les conduites dopantes sont le fait des non-sportifs aussi bien que des sportifs, et sont justifiées par la recherche de la réussite individuelle et du profit. La lutte contre le dopage, qui doit privilégier les actions de responsabilisation et de prévention, vise à préserver la santé des athlètes. Elle se propose aussi, en refusant l’instrumentalisation d’une logique de marché, de préserver les valeurs éthiques et éducatives du sport.
QUELS CHOIX, POUR QUELLE SOCIÉTÉ ? Le dopage est d’abord un choix de société. C’est le choix d’une société "de la performance", matérialiste et capitaliste, qui s’oriente vers une mondialisation libérale, c’est-à-dire vers un mode d’intégration économique qui ne peut se réaliser que par l’élimination de toute forme de régulation citoyenne, et valorise donc de façon presque exclusive la réussite individuelle contre la solidarité ou le partage, et la "normalisation" passive contre la volonté collective. C’est aussi le choix d’une société paradoxale, qui prend le risque de fonder son avenir sur le développement d’une science extrême et des technologies de pointes, mais prône dans le même temps le "principe de précaution" et revendique une "surprotection" de l’individu dans tous les domaines. Sommes-nous nécessairement engagés dans cette option, qui accompagnerait une globalisation inéluctable, ou bien est-il encore possible de moduler nos engagements,