Du bellay - sonnet 31
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Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage Ou comme celui-là qui conquit la Toison, Et puis est retourné plein d’usage et raison, Vivre entre ses parents le reste de son âge !
Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village Fumer la cheminée, et en quelle saison Reverrai-je le clos de ma pauvre maison, Qui m’est une province, et beaucoup d’avantage ?
Plus me plaît le séjour qu’on bâti mes aïeux Que des palais romains le front audacieux, Plus que le marbre dur me plait l’ardoise fine,
Plus mon Loire gaulis que le Tibre latin, Plus mon petit Liré que le mont Palatin, Et plus que l’air marin la douceur angevine.
Joachim du Bellay, Les Regrets (1558)
Les Regrets.
( Angevine : d’Anjou ( anciennement le Maine et Loire
( Elégiaque : deuil, tristesse
( Le pas sur : domine, mis en supériorité
( Lyrisme : expression exaltée des sentiments
( Hiatus : cumul de voyelles
DU BELLAY:
Joachim du Bellay naît à Liré, en Anjou, en 1522. Son enfance, dans la bourgeoisie (son cousin est comte du Piémont) se passe heureusement, au contact de la nature. C'est à la faculté de droit, à Poitiers, que du Bellay rencontre Pierre de Ronsard, qu'il suivra au collège de Coqueret. C'est là, sous l'influence de son professeur de grec, Jean Dorat, qu'ils décideront de former un groupe de poètes appelé la Pléiade. Jacques Pelletier du Mans les accompagne dans leur choix du français. Du Bellay écrit alors une thèse : Défense et illustration de la langue française. En effet, l'objectif de la Pléiade est de créer des chefs d'œuvres en français aussi bons que ceux des latins et des grecs (objectifs parfaitement en accord avec François 1er, qui souhaite donner des lettres de noblesse au français. Plus tard, la Brigade se