Ecriture poétique sous contrainte
Introduction : 1) de la spécificité du langage poétique à la virtuosité formelle * les Grands Rhétoriqueurs du XVème siècle * de la « défense et illustration de la langue française » au maniérisme à la Renaissance * « l’Art pour l’Art » et le Parnasse au XIXème siècle * l’Oulipo et l’écriture sous contrainte dans la seconde moitié du XXème siècle
Le nom de grands rhétoriqueurs a été donné, au XIXe siècle, par les historiens de la littérature, à un groupe de poètes qui firent carrière auprès des ducs de Bourgogne, de Bretagne, de Bourbon et auprès des rois de France entre 1450-1460 et 1520-1530 environ. Pourtant cette désignation reste imprécise : les dix ou douze personnages auxquels on l'applique ordinairement - Jean Molinet (actif de 1460 à 1507), le plus grand de tous, Jean Lemaire de Belges (actif de 1495 à 1515), son élève, Jean Marot (1500-1525), père de Clément, Jean Bouchet (1495-1550) - ne formèrent jamais une école, quoique des liens d'amitié et d'admiration mutuelle eussent établi entre la plupart d'entre eux un réseau complexe, et assez lâche, de relations. Du moins tous participèrent-ils à une esthétique commune : celle-ci, rejetée et tournée en ridicule par la génération de 1530-1550, tomba dès lors dans un discrédit profond, d'où les érudits modernes ne firent rien pour la tirer. Fondée sur l'exploitation systématique des ressources formelles du langage, la poésie des grands rhétoriqueurs passa généralement pour virtuosité creuse, amphigouri, enflure. On commence aujourd'hui à en mieux comprendre l'intérêt et l'importance historique : on y discerne la première manifestation en langue française du baroque européen.
1. Situation historique D'origine bourgeoise ou de petite noblesse, certains clercs, d'autres juristes, les grands rhétoriqueurs vécurent des libéralités des princes dont ils avaient pour fonction de