Ecriture d'invention
Ô souvenirs
En 1843, Léopoldine, l’aînée des enfants de Victor Hugo, âgée de dixneuf ans, meurt noyée. Dans ce poème, il se souvient des jours heureux, lorsque Léopoldine était petite.
Ô souvenirs ! printemps ! aurore ! Doux rayon triste et réchauffant – Lorsqu’elle était petite encore, Que sa sœur était tout enfant...
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Connaissez-vous sur la colline Qui joint Montlignon à Saint-Leu, Une terrasse qui s’incline Entre un bois sombre et le ciel bleu ?
©HATIER
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C’est là que nous vivions. – Pénètre, Mon cœur, dans ce passé charmant ! Je l’entendais sous ma fenêtre Jouer le matin doucement. Elle courait dans la rosée, Sans bruit, de peur de m’éveiller ; Moi, je n’ouvrais pas ma croisée1, De peur de la faire envoler. Ses frères riaient... – Aube pure ! Tout chantait sous ces frais berceaux2, Ma famille avec la nature, Mes enfants avec les oiseaux ! Je toussais, on devenait brave3 ; Elle montait à petits pas, Et me disait d’un air très grave : J’ai laissé les enfants en bas.
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Qu’elle fût bien ou mal coiffée, Que mon cœur fût triste ou joyeux, Je l’admirais. C’était ma fée, Et le doux astre de mes yeux ! Nous jouions toute la journée. Ô jeux charmants ! chers entretiens ! Le soir, comme elle était l’aînée, Elle me disait : « Père, viens. Nous allons t’apporter ta chaise, Conte-nous une histoire, dis ! » Et je voyais rayonner d’aise Tous ces regards du paradis.
Victor Hugo, Les Contemplations, 1846.
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1. Fenêtre. 2. Voûte de feuillage. 3. « On » désigne ici Léopoldine qui s’enhardit et monte voir son père.
©HATIER
Document B
L’ennemi
Ma jeunesse ne fut qu’un ténébreux orage, Traversé çà et là par de brillants soleils ; Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage, Qu’il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils1.
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Voilà que j’ai touché l’automne des idées, Et qu’il faut employer la pelle et les râteaux Pour rassembler à neuf les terres inondées, Où l’eau creuse des trous grands