Emile Zola
Il existe un point où Carné et Zola divergent. Dans l'intrigue originale déterministe, la liberté des amants initiaux donne lentement la place à un cauchemar de culpabilité et à des récriminations mutuelles. Zola introduit finalement détails grotesques comme des cadavres en décomposition dans une morgue, et un piège domestique plus étouffant que Thérèse espérait échapper. Cette « mise à jour » du film conserve seulement un soupçon de cet angle, optant plutôt pour un régime de chantage plus général par un témoin partiel de la criminalité. Thérèse et Laurent ne sont jamais à l’abri de la condamnation. Leur propre crime les laisse résigner et froid jusqu'à ce que cette troisième partie arrive, et dès lors leur sort est entièrement entre les mains du maître chanteur. Une histoire sur la culpabilité de manger l'âme est réduite seulement à un thriller macabre avec une fin de torsion.
En plus de nous toucher par le destin pathétique de Thérèse et de son amoureux, Carné grâce à une mise en scène très maîtrisée manie aussi parfaitement bien le suspense et la tension dramatique (scène notamment où la tante monte dans la chambre de Thérèse alors que les 2 amants s’y sont réfugiés). Le regard de la vieille tante à la fin du film fait ainsi froid dans le dos et est annonciateur des tourments futurs de Thérèse Cependant, ce que l’on peut reprocher au réalisateur, et que déjà soulignèrent en négatif les critiques de l’époque, est de s’être bien éloigné de la trame narrative du roman de Zola dont pourtant il affirme s’être inspiré dès le générique d’entrée ! En effet, chez Zola, les personnages de Thérèse et de Laurent sont décrits comme soumis à leurs désirs et leurs pulsions ce qui les conduit au meurtre prémédité du mari puis à la folie destructrice, alors que chez Carné, la morale et la droiture des 2 amants