—Je ne trouve rien d’admirable comme les soleils couchants . . . mais au bord de la mer, surtout.” C’est ce qu’Emma répond à Léon lors de leur célèbre duo romantique au début de la deuxième partie du roman.
Emma est présente à plusieurs soleils couchants dans sa vie, mais jamais au bord de la mer . . . situation paradoxale, défiant tout réalisme, dans un roman où toute une vie se passe en Normandie, et où dans la première maison de la jeune mariée, “Il arrivait parfois des rafales de vent, brise de la mer qui . . . apportaient . . . une fraîcheur salée” (46-47). On connaît bien “les silences de Flaubert.” On n’ a pas assez souligné, il nous semble, ses “absences,” surtout lorsqu’on ressent à la lecture qu’elles sont volontaires. On peut bien supposer alors que la mer-réalité par son absence même fait partie de la diégèse du roman, c’est-à dire du monde livresque désiré par l’héroïne, d’un rêve à jamais atteint.
Depuis longtemps la critique flaubertienne a relevé le réseau d’images qui traverse tout Madame Bovary. A ce sujet la thèse de 1931, L’expression figurée et symbolique dans l’œuvre de Gustave Flaubert, de D.-L. Demorest, bien que quelque peu vieillie, fait encore autorité. Plus spécifiquement, quelques années plus tard Léon Bopp, en parlant des anticipations qui se trouvent au début du roman, dit justement “qu’elles contribuent à donner à l’œuvre de Flaubert son caractère orchestral lesquelles contribuent à assurer . . . mille ‘dessous’.” Au moyen d’une étude thématique du texte de Madame Bovary et de ses manuscrits, assez négligée depuis le livre de Jonathan Culler, on se propose de reprendre systématiquement le thème du naufrage dans la perspective de Flaubert moraliste.
Claudine Gothot-Mersch, dans l’Introduction de son édition du roman (xlix-l), reconnaît que “les étapes de la vie d’Emma sont symbolisées dans ces images d’un voyage en mer,” mais, en ajoutant qu’à partir du moment que les images sont indépendantes et éparpillées dans tout le texte (elle