Enseigner la littérature
Être professeur de littérature dans une université revient aujourd’hui à occuper une position problématique dans la production et la codification de la connaissance – un fait à l’origine d’un grand nombre de commentaires critiques ces dernières années. Mais, il faudrait noter que cette position, dans sa dimension problématique, n’est pas nécessairement nouvelle. En effet, on peut croire avec raison que le professeur de littérature a toujours été le propagateur d’une science aberrante – une science qui dans ses aberrations a néanmoins plus à voir avec les problèmes méthodologiques des sciences naturelles que ce qu’il est habituellement admis. Le propos de cet article est de retrouver ma voie vers un énoncé initial sur ce qui rend l’étude de la littérature aberrante de cette façon, et ce faisant, d’expliquer les détails d’une dynamique centrale de l’enseignement de la littérature qui tire sa force d’une telle aberration scientifique. Dans ce processus, j’essaierai de m’approcher de l’énonciation du rôle joué par une science aberrante dans la négociation de l’identité culturelle. Les notes suivantes sont basées dans une très grande mesure sur mon expérience personnelle comme professeur de littérature allemande, d’abord en Afrique du Sud sous le régime de l’apartheid, puis sous le gouvernement démocratique émergeant, et enfin, pendant ces derniers mois, au Canada. Même s’il s’agit de réflexions personnelles, je les présente ici en affirmant qu’elles sont assez générales – pour des raisons, je l’espère, qui vont apparaître au cours de mon discours. Je voudrais dire dès le début, cependant, que cette affirmation même de généralité sera thématisée dans l’article par une juxtaposition de deux modes d’enquête menés sur l’enseignement de la littérature. L’un dépend des mouvements permettant à l’observation scientifique de produire des assertions abstraites sur la base de phénomènes observés dans