Essais montaigne
1On a beaucoup et diversement commenté la genèse de la forme nouvelle inventée par Montaigne, celle de l’essai: on a vu – à fort juste titre – sa source dans le genre très prisé au XVIe siècle de la leçon ou lectio, courte et libre dissertation faite d’un assemblage detopoi regroupés autour d’un thème dans un but d’édification morale. C’est la thèse célèbre et incontestée de Villey. Il est certain que Montaigne a puisé dans les recueils de Diverses leçons, de sentences et exemples qui fourmillent à son époque1.
2Paul Porteau a montré ce que l’essai devait également à un exercice scolaire abondamment pratiqué dans les collèges du XVIe siècle, la Disputatio – joute oratoire sur un thème choisi par le maître – au cours de laquelle s’affrontaient deux groupes d’élèves argumentant pour et contre telle ou telle thèse. En vue de ce genre d’affrontement, on se constituait un cahier de loci communes où l’on puisait à pleines mains.
3L’éloge paradoxal, qui fleurit au XVIe siècle, a aussi sa part dans l’élaboration de l’essai : le plus célèbre est évidemment l’Éloge de la Folie d’Erasme, mais Montaigne a lu aussi Corneille Agrippa qui est l’auteur d’un bref traité « De la supériorité des femmes » – paradoxe difficilement soutenable au XVIe siècle, tout aussi insoutenable d’ailleurs en ce siècle d’érudition que celui « De l’incertitude et vanité de toutes les sciences et les arts ». Une ironie caustique, déstabilisatrice, se donnait libre cours dans ce genre de declamatio, exercice de virtuosité pure au départ mais où pouvaient se glisser des idées dérangeantes et stimulantes à la fois pour un esprit en quête de liberté.
4Ce genre littéraire n’est pas sans rapport avec le pyrrhonisme que la lecture de Diogène Laerce et de Sextrus Empiricus permet à Montaigne d’approfondir : le jeton sur lequel il fit graver une balance et la devise « Epecho » (Je suspends mon jugement), peut servir d’emblème à plusieurs essais du premier ou du