Est-il raisonnable de vouloir prédire l'avenir ?
Afin d’organiser leur vie selon leurs désirs, sans crainte de voir leurs projets sabotés subitement par un coup du sort, les hommes cherchent depuis longtemps à prévoir l’avenir. Ce peut être d’une façon irrationnelle, comme dans l’astrologie, ou d’une manière rationnelle, comme en science ou dans la planification de la vie en société. Les sciences expérimentales - et notamment la physique - dégagent de l’observation du réel des lois, c’est à dire une certaine régularité dans les phénomènes qui les rend prévisibles (exemple : météorologie, prédiction des éclipes, etc.)
Mais la prévision de l’avenir n’a pas qu’un aspect théorique : pour répondre à des besoins pratiques (organisation du travail, de la vie publique) l’homme transforme la réalité de manière à la rendre prévisible. Ainsi met-il le temps dans des cadres plus ou moins rigides (calendriers, emplois du temps, mesure précise du temps à l’aide d’instruments sophistiqués) de manière à pouvoir le planifier au mieux, et faire en sorte que ses projets s’accordent avec ceux d’autrui (ainsi, pour donner un rendez-vous précis à quelqu’un, il faut un calendrier, un emploi du temps, et une montre.)
Mais cette volonté de maîtriser le temps est-elle si rationnelle qu’elle y paraît? Comme nous allons le voir maintenant, l’homme a beau chercher à faire entrer le temps dans ses cadres théoriques et pratiques, il ne peut jamais y parvenir tout à fait : le temps concret se confond avec le changement, avec l’apparition de phénomènes nouveaux, et nous réserve donc nécessairement des imprévus. D’où, d’un point de vue théorique, des erreurs dues à un décalage entre la théorie et l’expérience ; et, d’un point de vue pratique, des désillusions sources de souffrance, ainsi qu’une incapacité à jouir du présent, obsédé qu’on est par la crainte ou l’espoir. La volonté de prévoir l’avenir paraît donc tout à la fois rationnelle et irrationnelle, suivant le point de vue qu’on