Evaluation
Arrias1 a tout lu, a tout vu, il veut le persuader ainsi ; c’est un homme universel2 , et il se donne pour tel : il aime mieux mentir que de se taire ou de paraître ignorer quelque chose. On parle, à la table d’un grand, d’une cour du Nord3 : il prend la parole, et l’ôte à ceux qui allaient dire ce qu’ils en savent ; il s’oriente dans cette région lointaine comme s’il en était originaire ; il discourt des mœurs de cette cour, des femmes du pays, de ses lois et de ses coutumes : il récite4 des historiettes qui y sont arrivées ; il les trouve plaisantes, et il en rit le premier jusqu’à éclater. Quelqu’un se hasarde de le contredire, et lui prouve nettement qu’il dit des choses qui ne sont pas vraies. Arrias ne se trouble point, prend feu au contraire contre l’interrupteur. « Je n’avance, lui dit-il, je ne raconte rien que je ne sache d’original5 : je l’ai appris de Sethon6 , ambassadeur de France dans cette cour, revenu à Paris depuis quelques jours, que je connais familièrement7, que j’ai fort interrogé, et qui ne m’a caché aucune circonstance. » Il reprenait le fil de sa narration avec plus de confiance qu’il ne l’avait commencée, lorsqu’un des conviés lui dit : « C’est Sethon à qui vous parlez, lui-même, et qui arrive de son ambassade8. »
Jean de La Bruyère, Les Caractères, édition de 1694.
Questions (15 points)
Il va de soi que toutes les réponses doivent être intégralement rédigées, sans abréviations ni tirets. Citez le texte à l'appui de vos analyses.
1. Donnez la valeur du présent de l’indicatif pour chacun des quatre verbes soulignés. Pour chaque cas, commentez brièvement l’effet de sens produit dans le texte. (4 points)
2. Relevez les différents types de discours rapportés et justifiez brièvement leur emploi dans le texte. (4 points)
3. Relevez une énumération dans la première partie du texte et commentez-la. (1 point)
4. Montrez qu’Arrias a une attitude opposée à celle d’un « honnête homme ». (1 point)
5. De quelle façon les personnages