Existe t il un devoir de mémoire ?
Le principal devoir de l'homme envers lui-même est de s'instruire, le principal devoir de l'homme envers les autres est de les instruire (Emile LITTRÉ).
La question du devoir de mémoire apparaît souvent dans l’actualité. Les débats qui ont eu lieu autour de « la lettre de Guy Mocquet » en sont l’illustration. Ce devoir doit permettre d’éviter que l’histoire ne se répète. Dans cette perspective il apparaît comme d’une injonction morale : se souvenir, c’est garder la mémoire de évènements traumatiques d’une histoire, comme garde-fou de nos propres comportements.
C’est d’ailleurs à propos d’évènements négatifs que ce devoir de mémoire est généralement invoqué.
Cette interdépendance entre devoir de mémoire et vécu traumatique est décrite de manière stylisée et imagée dans le tableau « La mémoire » du peintre René Magritte. A travers la tempe ensanglantée du buste de marbre, il nous rappelle que l’homme ne retient que ce qui le frappe, le meurtrit et l’atteint douloureusement.
Nietzche, dans « la Généalogie de la morale », explique que la nature est du côté de l’oubli, de l’effacement. En d’autres termes, qu’il est facile d’oublier et difficile de se souvenir.
Pour autant la mémoire et l’oubli ne sont pas antinomiques, la mémoire étant le produit de la sélection naturelle entre la faculté d’oublier et la faculté de se souvenir.
Qu’est ce qu’est ce devoir de mémoire ? A fortiori, qu’est-ce qui justifie un tel impératif vis-à-vis d’un évènement qui s’est produit ? Enfin, qu’est-ce qui fonde notre sélection des faits passés que nous nous faisons un devoir de célébrer ?
Il est certain que la mémoire est une exigence qui fonde notre personnalité et notre histoire (I) et qui de ce fait doit être entretenu. Pour autant, le devoir de mémoire n’est pas aisé à réaliser et ne doit pas servir de fondement à de la propagande ou à du prosélytisme capables d’en détourner le sens (II).
I. La mémoire : une exigence naturelle