Explication linéaire de "l'aveugle" de charles péguy
« L’Aveugle » est un des Sonnets de Charles Péguy ; sa composition est tardive (vers 1913). Il s’agit d’un sonnet de facture classique de typologie poétique et de registres pathétique, dans les quatrains, et laudatif, dans les tercets. Le poète décrit la condition de l’aveugle, privé de la lumière du jour ; mais la cécité semble également favoriser le développement d’une sensibilité particulière de laquelle résulte la suprématie des aveugles sur le commun des mortels. Le poème se déploie en deux temps à commencer par « D’innombrables rayons de toutes les lumières » jusqu’à « Ont pleuré vingt mille ans sous l’arceau des paupières » ; il se poursuit à travers l’évocation du savoir singulier qu’ont les aveugles. Ces deux temps sont marqués par le changement des temps verbaux : du passé composé aux temps du présent et du futur. Ainsi, on peut se demander dans quelle mesure Charles Péguy renouvelle une forme ancienne, celle du sonnet, et un thème relativement rebattu.
I/La condition pathétique de l’aveugle.
( L’adjectif qualificatif « innombrables » se situe en tête du premier vers.
( Il est répété à la même place à quatre reprises dans les quatrains (anaphores).
Ces anaphores confèrent une dimension litanique à la déploration de la condition de l’aveugle ; dimension litanique accentuée par la lenteur et la majesté du rythme qui découlent de l’usage de l’alexandrin et de la parataxe.
( Le premier vers met également en place un champ lexical de la « luminosité ».
Cf. « rayons » et « lumières » (prolongement au vers 5 « ténèbres premières. D’où l’opposition « lumière pour le commun des mortels/obscurité pour les aveugles).
( Au vers 2, le pathétique passe par l’hyperbole « vingt mille ans ».
( Il semble que, sans l’usage de la vue, le temps s’étire à l’infini. Le supplice que vit l’aveugle est long ; longueur qui est aussi marquée par l’emploi du passé composé « Ont baigné » qui dilate le