Extrait des identités meurtrières d'amin mallouf
Qu’on me permette d’insister, c’est là un point essentiel dès lors que l’on se penche sur la notion d’identité telle qu’elle se présente de nos jours : il y a, d’un coté, ce que nous sommes dans la réalité, et ce que nous devenons sous l’effet de la mondialisation culturelle, à savoir des êtres tissés de fils de toutes les couleurs, qui partagent avec la vaste communauté de leurs contemporains l’essentiel de leurs références, l’essentiel de leurs comportements, l’essentiel de leurs croyances. Et puis il y a, d’autre part, ce que nous pensons être, ce que nous prétendons être, c’est-à-dire des membres de telle communauté et pas de telle autre, des adeptes de telle foi plutôt que de telle autre. Il ne s’agit pas de nier l’importance de nos appartenances religieuses, nationales ou autres. Il ne s’agit pas de nier l’influence souvent décisive de notre héritage « vertical ». Il s’agit surtout, à ce stade, de mettre en lumière le fait qu’il y a un fossé entre ce que nous sommes et ce que nous croyons être.
A vrai dire, si nous affirmons avec tant de rage nos différences, c’est justement parce que nous sommes de moins en moins différents. Parce qu’en dépit de nos conflits, de nos inimitiés séculaires, chaque jour qui passe réduit un peu plus nos différences et augmente un peu plus nos similitudes.
J’ai l’air de m’en réjouir. Faut-il vraiment se réjouir de voir les hommes de plus en plus semblables ? Ne serions-nous pas en train d’aller vers un monde