Extrait la condition humaine
Faculté des Lettres et des Langues
Département de langue et de littératures françaises
Anthropologie Culturelle – M1
Sciences des textes / Analyse du Discours
Commentaire de texte : « - Hé là, dit-il à voix très basse. Souen, pose ta main sur ma poitrine, et prend dès que je la toucherai : je vais vous donner mon cyanure. Il n’y en a absolument que pour deux.
Il avait renoncé à tout, sauf à dire qu’il n’y en avait que pour deux. Couché sur le côté, il brisa le cyanure en deux. Les gardes masquaient la lumière qui les entourait d’une auréole trouble ; n’allaient-ils pas bouger ? Impossible de voir quoi que ce fût ; ce don de plus que sa vie, Katow le faisait à cette main chaude qui reposait sur lui, pas même à des corps, pas même à des voix. Elle se crispa comme un animal, se sépara de lui aussitôt. Il attendit, tout le corps tendu. Et soudain, il entendit l’une des deux voix :
- C’est perdu. Tombé.
Voix à peine altérée par l’angoisse, comme si une telle catastrophe n’eut pas été possible, comme si tout eût dû s’arranger. Pour Katow aussi, c’était impossible. Une colère sans limites montait en lui mais retombait, combattue par cette impossibilité. Et pourtant ! Avoir donné cela pour que cet idiot le perdit !
- Quand ? Demanda-t-il.
- Avant mon corps. Pas pu tenir quand Souen l’a passé : je suis aussi blessé à la main.
Il a fait tombé les deux, dit Souen.
Sans doute cherchaient-ils entre eux. Ils cherchaient ensuite entre Souen et Katow, sur qui l’autre était probablement presque couché, car Katow, sans rien voir, sentait près de lui la masse de deux corps. Il cherchait lui aussi, s’efforçant de vaincre sa nervosité, de poser sa main à plat, de dix centimètres en dix centimètres, partout où il pouvait atteindre. Leurs mains frôlaient la sienne. Et tout à coup une des deux la prît, la serra, la conserva.
Même si nous ne trouvons rien… dit une des voix.
Katow, lui aussi, serrait la main, à la limite des larmes,