Chapitre I

L'infatigable quotidien

« Swann !! Dépêche toi bon sang, on est encore à a bourre !!

Je grognais en enfilant mon vieux jean et un débardeur noir, dévalai les escaliers en manquant de faire un joli roulé-boulé, puis me plantai devant ma mère, dans la cuisine, l'air triomphant.

_ Et voilà ! Alors qui c'est qui disait que j'étais en retard, hein ? Ricanai-je avec sarcasme. Mademoiselle Tara est encore en pantoufles !!

Ma mère fit une moue désabusée, ne prit pas la peine de répliquer et se traîna jusqu'à l'évier pour poser son bol de café. À voir sa tête, elle avait travaillé tard dans la nuit.

Cela fait dix ans qu'elle est infirmière à l'hôpital de Dijon, ma ville natale. Elle m'a conçue par erreur, en boîte de nuit, avec un barman qui a dû lui servir un coup de trop, lorsqu'elle avait dix-huit ans. Ils sont restés ensemble un an, puis cet idiot est reparti à Hambourg, avec sa deuxième copine. Il était allemand d'origine, d'où mon prénom Germanique. Bref, Tara a vraiment de la chance.

J'ai dix-sept ans, ma mère en a à peine trente-sept. Notre faible différence d'âge fait que nous sommes très proches. Nous partageons tout. Chaque matin, à six heures, elle va au boulot et me dépose chez mon patron. J'ai abandonné le lycée pour faire un apprentissage, histoire de l'aider à compléter les fins de mois. Elle n'était pas d'accord, mais elle a bien dû céder lorsqu'elle a vu les dettes qui s'empilaient sur la table du salon. Et puis elle a renoncé à se remettre avec un homme, après sa mésaventure avec mon géniteur. Je la charrie souvent là-dessus, mais elle me renvoie mes boutades en répliquant que je n'ai jamais ramené un copain à la maison, moi non plus. Mais ça, c'est une autre histoire....

Je pris mon petit déjeuner en vitesse, et lorsque tout le monde était prêt, maman s'est mise au volant de sa vieille Twingo puis a mis la radio à fond, comme d'habitude. En zappant, elle passa sur ma station préférée, puis continua. Je