Exégèse médiévale et polémique antijudaïque
Dans sa Questio de adventu Christi, Nicolas de Lyre expose la liste des autorités juives, dont notamment le Talmud et les glossateurs juifs. Il précise que tous deux sont presque entièrement faux, et qu’ils ne sont utiles que pour la polémique, en raison de leur statut autoritatif pour les juifs. Ainsi, lorsqu’on quitte le domaine de la polémique, seuls la Torah et les targums ont une valeur véridique pour le lecteur catholique de la Bible ; la littérature rabbinique est rejetée dans la fausseté. Or dans la Postille littérale sur toute la Bible, son chef d’œuvre exégétique, Nicolas utilise abondamment l’exégèse juive, Rashi en particulier ; et pour reprendre les distinctions d’Hugues de saint Victor, les interprétations juives ne se limitent absolument pas à la litera, aux points de grammaire, ni au sensus, aux questions d’histoire et d’archéologie, mais participent souvent de la sententia, c'est-à-dire de l’approche doctrinale, ce qui suppose qu’il leur reconnaisse au moins une certaine pertinence exégétique.
Cette contradiction n’est pas propre à Nicolas de Lyre. L’intérêt que portent les intellectuels chrétiens médiévaux au judaïsme en général et à l’exégèse juive en particulier répond en effet à deux objectifs opposés : améliorer la compréhension et la connaissance intime du texte sacré, rendre plus efficace la polémique doctrinale contre les juifs. Or la première approche est désintéressée et suppose qu’on reconnaisse une valeur de vérité à la science biblique juive ; l’autre est intéressée et suppose au contraire une négation de cette même science. La contradiction des perspectives est patente, et engendre chez les chrétiens un rapport très ambigu à la science juive, ambiguïté qui se manifeste aussi bien dans la réalité des rencontres entre lettrés juifs et chrétiens, où il est difficile de savoir quand s’arrête la séance de travail et quand commence la controverse, que dans les œuvres qui en