Fable de la fontaine
Différentes d'humeur, de langage et d'esprit, Et d'habit, Traversaient un bout de prairie.
Le hasard les assemble en un coin détourné.
L'agasse eut peur; mais l'aigle, ayant fort bien dîné,
La rassure, et lui dit: « Allons de compagnie ;
Si le maître des dieux assez souvent s'ennuie, Lui qui gouverne l'univers,
J'en puis bien faire autant, moi qu'on sait qui le sers.
Entretenez-moi donc, et sans cérémonie. »
Caquet-bon-bec alors de jaser au plus dru,
Sur ceci, sur cela, sur tout. L'homme d'Horace,
Disant le bien, le mal à travers champs, n'eût su
Ce qu'en fait de babil y savait notre agasse.
Elle offre d'avertir de tout ce qui se passe, Sautant, allant de place en place,
Bon espion, Dieu sait. Son offre ayant déplu, L'aigle lui dit tout en colère : «Ne quittez point votre séjour,
Caquet-bon -bec, mamie ; adieu ; je n'ai que faire D'une babillarde à ma cour : C'est un fort méchant caractère.» Margot ne demandait pas mieux.
Ce n'est pas ce qu'on croit que d'entrer chez les dieux:
Cet honneur a souvent de mortelles angoisses.
Rediseurs, espions, gens à l'air gracieux,
Au coeur tout différent, s'y rendent odieux,
Quoique ainsi que la pie il faille dans ces lieuxLa satire des espions de cour « L’Aigle et la Pie » est, au départ, un texte d’Abstémius (« De l’Aigle et de la Pie ») ainsi que Haudent (« De la Pie et de l’Aigle », II, 87). On sait également que Fénélon, le précepteur du Duc de Bourgogne a écrit sur le même thème pour mettre en garde son jeune élève contre les « rapporteurs », c’est-à-dire les espions entourant le roi et lui rapportant ce qui se disait ou se tramait à la cour. Fénelon écrira « Il ne faut point avoir de rapporteurs qui s’empressent à vous empoisonner du récit de toutes les petites fautes des particuliers ». Le