fables de la fontaine
Par des voeux importuns nous fatiguons les Dieux : Souvent pour des sujets même indignes des hommes. Il semble que le Ciel sur tous tant que nous sommes Soit obligé d'avoir incessamment les yeux, Et que le plus petit de la race mortelle, À chaque pas qu'il fait, à chaque bagatelle, Doive intriguer l'Olympe et tous ses citoyens, Comme s'il s'agissait des Grecs et des Troyens. Un Sot par une puce eut l'épaule mordue. Dans les plis de ses draps elle alla se loger, Hercule, se dit-il, tu devais bien purger La terre de cette Hydre au printemps revenue. Que fais-tu, Jupiter, que du haut de la nue Tu n'en perdes la race afin de me venger ? Pour tuer une puce il voulait obliger Ces Dieux à lui prêter leur foudre et leur massue.
Livre VIII, Fable 5, 1678
La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Boeuf Une Grenouille vit un Boeuf Qui lui sembla de belle taille. Elle, qui n'était pas grosse en tout comme un oeuf, Envieuse, s'étend, et s'enfle, et se travaille, Pour égaler l'animal en grosseur, Disant : "Regardez bien, ma soeur ; Est-ce assez ? dites-moi ; n'y suis-je point encore ? - Nenni. - M'y voici donc ? - Point du tout. - M'y voilà ? - Vous n'en approchez point. "La chétive pécore S'enfla si bien qu'elle creva. Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages : Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs, Tout petit prince a des ambassadeurs, Tout marquis veut avoir des pages.
Livre I, Fable 3, 1668
Le Lion et le Rat
Il faut, autant qu'on peut, obliger tout le monde : On a souvent besoin d'un plus petit que soi. De cette vérité deux Fables feront foi, Tant la chose en preuves abonde. Entre les pattes d'un Lion Un Rat sortit de terre assez à l'étourdie. Le Roi des animaux, en cette occasion, Montra ce qu'il était, et lui donna la vie. Ce bienfait ne fut pas perdu. Quelqu'un aurait-il jamais cru Qu'un Lion