fanatisme
L’exposé dialectique de Marx souligne que non seulement la religion peut subsister dans l’émancipation politique, mais qu’elle peut même y prospérer, parce que, comme le montre l’exemple américain, c’est en dernière instance l’État qui « s’émancip[e] de la religion d’État » : du même coup, il se sépare de la société civile dans laquelle il tolère, voire encourage la poursuite d’une religion et d’intérêts privés. « S’émanciper politiquement de la religion, ce n’est pas s’en émanciper de façon parfaite et non contradictoire, parce que l’émancipation politique n’est pas le mode parfait, le mode non contradictoire de l’émancipation humaine. » L’« État peut être un État libre sans que l’homme soit un homme libre », parce que la religion demeure pratiquée en privé mais aussi parce que la liberté offerte par l’État est elle-même de forme religieuse : « C’est que la religion est la reconnaissance de l’homme par un détour, à travers un médiateur481. »
C’est là le noyau de la thèse que Marx oppose à
Bauer : l’État peut dépasser son contenu religieux en se purifiant de toute détermination confessionnelle, mais il conserve une forme religieuse dans la mesure où il incarne la liberté de l’homme aliénée dans une chose extérieure à lui. L’« État politique achevé est essentiellement la vie générique de l’homme par opposition à sa vie matérielle. […] Là où l’État politique est parvenu à son épanouissement véritable, l’homme mène, non seulement dans la pensée, dans la conscience, mais dans la réalité, dans la vie, une vie double, une vie céleste et une vie terrestre482. »
La spiritualité ou la transcendance objective (l’abstraction réelle) inhérente à la forme de l’État profane vient ainsi renforcer la spiritualité privée des individus atomisés qui composent la société civile. Cela signifie que l’émancipation politique « ne supprime
[…] pas la religiosité réelle de l’homme » : d’une part, elle perpétue la religion au niveau du droit privé