Flaubert
Flaubert a mis beaucoup de lui-même dans son roman. Malgré un certain parti pris d’impartialité, il a pu aussi s’écrier : « Madame Bovary, c’est moi ! ». Ce cri a été interprété de plusieurs manières. Peut-être faut-il y voir d’abord le désir de Flaubert de couper court à l’enquête sur ces sources, à la part réaliste de son œuvre, en rappelant utilement la part de l’écrivain dans sa création. Flaubert a coulé dans son œuvre ses propres inquiétudes, ses manières de penser, sa matière personnelle. En particulier, comme Emma, il a éprouvé un goût immodéré pour la lecture. Au lycée de Rouen, « les pensums finis, la littérature commençait, et on se crevait les yeux à lire au dortoir des romans. On portait un poignard dans sa poche, comme Antony… Mais quelle haine de toute platitude ! Quels élans vers la grandeur ! ». Le jeune Gustave appelle les orages comme son aîné, René de Chateaubriand. Plus tard, le vice ne l’a pas quitté et, pour écrire Bouvard et Pécuchet, il dévorera plus de mille cinq cents volumes.
Le goût de la rêverie
Au détour d’une page, on le surprend à rêver de la belle manière, ce qu’il appelait son « infini besoin de sensations intenses ». Les lectures d’Emma, fades et niaises, déclenchent parfois en lui le désir de voyager comme l’évocation de « ces sultans à longues pipes, pâmés sous des tonnelles aux bras de bayadères, djiaours, sabres turcs, bonnets grecs… » (Il est parti d’ailleurs pour l’Orient). Il lui faut alors l’aide de l’ironie pour secouer l’esprit qui vagabonde et dénoncer l’invraisemblance et le poncif.
Un goût de la période
Chaque fois que Flaubert se laisse aller à la rêverie, la phrase prend l’ampleur et la cadence de la période romantique. Ainsi, la veille de sa fuite avec Rodolphe, Emma contemple la lune en compagnie de son amant :
« La lune, toute ronde et couleur de pourpre, se levait à ras de terre, au fond de la prairie. Elle montait vite entre les branches des peupliers, qui la cachaient de place en