Foucault courage verite
Franck Chaumon
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Le dernier séminaire de Michel Foucault, tenu au Collège de France en 1984, est paru en ce début d’année 2009. Saluons à nouveau la rigueur de l’établissement de ces cours, l’appareil de notes, les postfaces précisant le contexte dans le mouvement de l’œuvre, qui constituent une aide précieuse à la lecture et contrastent, hélas, avec l’édition des séminaires de Lacan. Ce séminaire est établi et présenté par Frédéric Gros, tout comme les deux précédents, L’herméneutique du sujet (1981-1982), et Le gouvernement de soi et des autres (1982-1983). Il en achève en quelque sorte le cycle ou plutôt il en marque la brutale interruption, puisque la mort survient trois mois après la dernière séance, le 28 mars 1984. Il faut se garder pourtant d’y voir le mot ultime d’une œuvre profuse, complexe et plurielle. Un mot à ce propos. Né en 1926, Foucault meurt donc à 58 ans. Pour les lecteurs de Lacan, il suffira sans doute de prendre la mesure du fait que celui-ci, au même âge, était sur le point de s’engager dans la tenue du séminaire… L’éthique de la psychanalyse, pour saisir à quel point l’œuvre foucaldienne aura été fauchée en son élan, nous privant de développements difficiles à imaginer. Raison pour laquelle il convient de prendre quelque distance avec les lectures hâtives qui décèlent aujourd’hui les « contradictions » ou les « virages théoriques », méconnaissant la logique d’une pensée en travail, une pensée qui ne craint pas de faire retour sur elle-même et de prendre à contre-pied ses propres formulations. « Je ne suis déjà plus là où vous me suivez et je vous regarde d’ailleurs », disait-il dans une formule qui n’est pas sans rappeler certains propos de Lacan. Tout comme Freud, tout comme Lacan, il convient de lire Foucault, tout Foucault, en suivant l’audace d’une pensée qui n’hésite pas à s’affronter à elle-même.
1. Michel Foucault, Le courage de la vérité, EPHE, Gallimard/Le Seuil, 2009, 368 p.
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