Les préoccupations d'un monde écrasé par la pauvreté ne sauraient être les mêmes que celles d'un monde où l’individu ordinaire à accès à toutes les commodités d'existence – denrées alimentaires, divertissements, transport individuel, installations sanitaires – que même les gens les plus fortunés ne pouvaient s'offrir il y a un siècle. Le bouleversement a été tel que les gens ne sont même plus conscients de tous leurs désirs. Ces désirs ne leur deviennent évidents que lorsqu'ils sont suscités artificiellement, précisés et entretenus par la publicité et les campagnes de vente, deux domaines qui sont devenus deux de nos professions les plus importantes et qui comptent des spécialistes de grand talent.
Au début du XIXe siècle, rares étaient les gens qui avaient besoin d'un agent de publicité pour savoir ce qu'ils voulaient.
John Kenneth GALBRAITH, L’Ère de l'opulence, 1961
Rose et Pierre se sont mariés en 1940, peu après la défaite. Ils ont habité chez les parents de Rose ; en
1950, ils avaient 4 enfants et leur pouvoir d'achat leur a permis d'acheter, par annuités, un appartement composé d'une cuisine de 10 mètres carrés et de 3 pièces, au total, 60 mètres carrés, appartement jugé
« suffisant » suivant les normes de l'époque. Bien entendu, le ménage n'a, en 1950, ni voiture, ni réfrigérateur […]. Leur fils aîné, Stéphane, s'est marié en 1970 avec Séverine. Dès leur mariage, ils ont loué un studio. Peu après, ils se sont installés dans une petite maison comprenant une cuisine de 10 mètres carrés et trois pièces comme leurs parents en 1950, mais leur superficie totale est de 80 mètres carrés. Ils n'ont qu'un seul enfant, la statistique les classe comme étant en état de « peuplement normal ». Ils ont tous deux une profession salariée. Leur enfant vit la vie usuelle de l'enfant aujourd'hui, de crèche en baby-sitter et d'école en école. Ils ont une voire deux
5CV et la batterie complète de