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Sa pensée pessimiste est teintée de nihilisme. Controversé en raison de ses pamphlets antisémites, c'est un « écrivain engagé », proche durant l'occupation allemande de certains milieux collaborationnistes, qui reste toutefois à l'écart de toute collaboration officielle. Il est considéré, en tant qu'écrivain, comme l'un des plus grands novateurs de la littérature française du XXe siècle8, introduisant un style elliptique personnel et très travaillé qui emprunte à l'argot et tend à s'approcher de l'émotion immédiate du langage parlé. À propos de son style, Julien Gracq dira « Ce qui m'intéresse chez lui, c'est surtout l'usage très judicieux, efficace qu'il fait de cette langue entièrement artificielle — entièrement littéraire — qu'il a tirée de la langue parlée. »
Comme beaucoup d'écrivains, Céline a su habilement bâtir toute une série de mythes sur sa personnalité. En même temps que Voyage au bout de la nuit, Céline écrivait des articles pour une revue médicale (La Presse médicale) qui ne correspondent pas à l'image de libertaire qu'on s'est faite de lui23. Dans le premier des deux articles publiés dans cette revue en mai 1928, Céline vante les méthodes de l'industriel américain Henry Ford, méthodes consistant à embaucher de préférence « les ouvriers tarés physiquement et mentalement » et que Céline appelle aussi « les déchus de l'existence ». Cette sorte d'ouvriers, remarque Céline, « dépourvus de sens critique et même de vanité élémentaire », forme « une main-d’œuvre stable et qui se résigne mieux qu'une autre ». Céline déplore qu'il n'existe rien encore de semblable en Europe, « sous des prétextes plus ou moins traditionnels, littéraires, toujours futiles et pratiquement désastreux ».