Fragmentation dans nedjma de kateb yacine
L’aventure éditoriale de Nedjma de Kateb Yacine, ce roman fondateur[1] de la littérature maghrébine d’expression française, débute par une sorte de fragmentation à laquelle l’écrivain, comme il le rappelle lui-même, était acculé pour satisfaire les normes de l’édition parisienne :
“ Quant à Nedjma et au Polygone étoilé, au début c’était un seul livre. Quand je l’ai donné à l’éditeur, il avait 400 pages à peu près, et comme la norme chez les éditeurs est de 250 à 256 pages, mon éditeur m’a demandé de couper car il estimait qu’il y avait matière à un second livre et comme c’était mon premier livre je ne pouvais pas passer outre. Alors, pour ce que j’ai gardé et qui est devenu Le polygone étoilé, ça a été une autre aventure… ”[2].
Nedjma est donc en quelque sorte le fruit d’une fragmentation imposée par les besoins de l’édition et pourtant dès sa sortie il fut salué unanimement par la critique. Dès lors, le roman, n’a cessé d’interpeller les chercheurs et les écrivains. A tel point qu’une légende s’est peu à peu construite sur cette œuvre qualifiée tour à tour de mystérieuse, de déroutante, d’envoûtante, d’irradiante, d’éclatée… Les éditeurs du Seuil ont jugé nécessaire de présenter le texte flanqué d’une préface-avertissement pour baliser les pistes du déchiffrement au lecteur français habitué aux canons esthétiques de l’écriture classique linéaire. C’est peu dire que Nedjma a dès le départ pris le contre-pied de ce qui a été publié alors par les auteurs maghrébins. Par son écriture certes, mais aussi par son contenu où foisonnent des thèmes qui ne donnent pas l’impression de s’épuiser. Ces thèmes sont portés par une multitude de fragments qui s’appellent et se répandent en tissant un vaste réseau de significations. C’est que la fragmentation est au cœur de cette œuvre non pas seulement comme moyen d’écriture mais surtout comme projet fondateur sur lequel se bâtit la socialité de l’œuvre. C’est cette symbiose, ce