Francais
(Oscar WILDE, adaptation Jocelyn CANOEN)
ACTE I
Chez Algernon.
Lane prépare le thé.
On joue du piano à côté.
ALGERNON
Vous m’avez entendu jouer Lane?
LANE
Je ne me serais pas permis d’écouter, Monsieur.
ALGERNON
Je le regrette pour vous, Lane. Je ne joue pas très juste – tout le monde peut jouer juste–, mais je joue avec beaucoup de sentiment. Tant qu’il s’agit du piano, je me fie entièrement au sentiment. Je ne m’en méfie que dans la vie.
LANE
Oui, Monsieur.
ALGERNON
À propos de sentiments, avez-vous préparé les sandwiches aux concombres pour Lady Bracknell, elle les adore!
LANE
Les voici, Monsieur.
ALGERNON (en prend deux et s’assoit)
À propos, Lane, j’ai vu sur votre livre de comptes que, jeudi soir, quand Lord Shoreman et Mr Worthing sont venus dîner, il a été consommé huit bouteilles de champagne.
LANE
Oui, Monsieur. Huit bouteilles et demie exactement.
ALGERNON Je serais curieux de savoir, Lane, comment il se fait que, chez les célibataires, les domestiques apprécient tellement le champagne? Je ne me pose la question que par curiosité.
LANE J’attribue cela, Monsieur, à la qualité supérieure du vin. J’ai observé que chez les personnes mariées, le champagne était rarement de première qualité.
ALGERNON
Dieu du ciel, Lane! Le mariage est-il donc une chose si démoralisante!
LANE
Je pense que c’est un état qui procure beaucoup de satisfaction, Monsieur. Certes, mon expérience personnelle est réduite. Je n’ai été marié qu’une fois jusqu'à présent. À la suite d’un étrange malentendu entre moi et une jeune personne…
ALGERNON
Je crains de ne pas m’intéresser passionnément à votre vie privée, Lane
LANE
Monsieur a raison. Ce n’est pas un sujet intéressant. Moi-même, je n’y pense jamais.
ALGERNON
Comme je vous comprends. Merci, Lane, vous pouvez disposer.
LANE
Merci, Monsieur.
ALGERNON
Ah! Donnez-moi seulement un autre sandwich aux concombres.
LANE
Oui,