Francais
Je ne laisserai pas la parole aux ministres, et pas aux générauxJe ne laisserai pas — non ! — les louanges de mépris vous enterrer furtivement.Vous n’êtes pas des pauvres aux poches vides sans honneurMais je déchirerai les rires banania sur tous les murs de France.
Car les poètes chantaient les fleurs artificielles des nuits de MontparnasseIls chantaient la nonchalance des chalands sur les canaux de moire et de simarreIls chantaient le désespoir distingué des poètes tuberculeuxCar les poètes chantaient les rêves des clochards sous l’élégance des ponts blancsCar les poètes chantaient les héros, et votre rire n’était pas sérieux, votre peau noire pas classique.
Ah ! ne dites pas que je n’aime pas la France — je ne suis pas la France, je le sais —Je sais que ce peuple de feu, chaque fois qu’il a libéré ses mainsA écrit la fraternité sur la première page de ses monumentsQu’il a distribué la faim de l’esprit comme de la libertéÀ tous les peuples de la terre conviés solennellement au festin catholique.Ah ! ne suis-je pas assez divisé ? Et pourquoi cette bombeDans le jardin si patiemment gagné sur les épines de la brousse ?Pourquoi cette bombe sur la maison édifiée pierre à pierre ?
Pardonne-moi, Sira-Badral [1], pardonne étoile du Sud de mon sangPardonne à ton petit-neveu s’il a lancé sa lance pour les seize sons du sorong [2]Notre noblesse nouvelle est non de dominer notre peuple, mais d’être son rythme et son cœurNon de paître les terres, mais comme le grain de millet de pourrir dans la terreNon d’être la tête du peuple, mais bien sa bouche et sa trompette.
Qui pourra vous chanter si ce n’est votre frère d’armes, votre frère de sangVous Tirailleurs Sénégalais, mes frères noirs à la main chaude, couchés sous la glace et la mort ?
LEOPOLD SEDAR