Frontispice de Ravel (1918) - Analyse paradigmatique
Analyse paradigmatique
Frontispice est une pièce musicale tout à fait originale, dans la mesure où elle est écrite pour deux piano, auxquels vient s'ajouter une cinquième main. Cette formation instrumentale insolite est également caractérisée par sa courte durée : on peut dénombrer quinze mesures. Voici ce que Marcel
Marnat, célèbre biographe de Maurice Ravel, dit à propos de cette œuvre : « Moins de deux minutes résolument polytonales avec trois lignes mélodiques indépendantes superposées, bientôt bafouées par l'intervention des accords incléments qu'y introduit la cinquième main. La basse seule reste stable, répétant sinistrement la même note. Le langage est ici aussi nouveau que possible, étonnamment libéré de tout le reste de la création ravélienne. Peut-être faut-il y entendre un écho chaotique du dernier Satie... Trois accords finals mettent le comble à la surprise de l'auditeur par une brutale interrogation débouchant sur le vide.1 »
Le musicologue a certes raison lorsqu'il parle de trois lignes mélodiques indépendantes, mais il faut tout de même noter qu'il n'est question que des parties soumises à une variation ou à un développement, car il y a en tout six lignes mélodiques superposées dans cette pièce, les trois autres étant des ostinati. Il y a donc un contraste notable entre les parties statiques et les parties dynamiques. Cependant, du mouvement est constamment créé par ces lignes d'apparence immobile.
En effet le non respect de la mesure quant à la périodicité de ces ostinati implique une illusion de décalage métrique, qui semble ne jamais retomber sur un temps fort. Autre fait remarquable dans l'originalité de Frontispice : on assiste dès le début à une superposition de mesures à 15/8 et de mesures à 5/4. Il s'agit bien entendu de cinq temps à chaque fois, mais avec une division différente : l'une est ternaire, l'autre binaire. Il s'agit là également d'un autre facteur d'instabilité dans la