Gilliatt, un personnage romantique
Gilliatt, un personnage romantique
Un être solitaire vivant dans l’isolement
Né de père inconnu et d’une mère probablement française, émigrée à Guernesey après la Révolution, Gilliatt a hérité son nom et son impopularité de cette femme considérée par les Guernesiais tantôt comme sa mère, tantôt comme sa tante ou sa grand-mère, avec laquelle il vit seul, évité. Ses origines incertaines et son logis suspect, une maison autrefois « visionnée » (p.93) appelée le « Bû de la Rue » (p.95) du fait de son complet isolement à la pointe d’une langue de terre, « presque hors de l’île » (p.96), ont contribué à le rendre antipathique et inquiétant aux yeux d’une population prompte à se laisser influencer par les on dit et qui le tient « en quarantaine » (p.101). Il faut dire que, sauvage et farouche, Gilliatt ne cherche en rien à déjouer l’aversion publique qu’il inspire, ne partageant aucun des préjugés des Guernesiais, et il se satisfait pleinement de cette vie aux lisières de l’humain, partant même parfois vivre deux mois d’affilée dans quelque îlot solitaire, Chausey ou les Casquets (p.117).
L’ironie hugolienne particulièrement manifeste dans les chapitres IV et V du livre premier consacrés à son « impopularité » et aux « autres côtés louches de Gilliatt », sert ici le personnage car que lui reproche-t-on au juste ? De préférer s’occuper de son jardin le dimanche plutôt que d’aller à la chapelle ? D’aller se promener la nuit sur les falaises et de jouer du bag-pipe face à la mer ? D’avoir chez lui de gros livres hérités de sa mère, dont le Candide de Voltaire (p.101), et de savoir lire et écrire (p.113) ? D’être serviable et bon au point de donner aux pauvres le surplus de poissons qu’il a péché (p.117) ? On le comprend, cette « réputation » qu’on lui attribue et qui suscite la suspicion n’a de « mauvais » que ce que des villageois arriérés et superstitieux veulent bien y voir. Le narrateur pour sa part prend fait et